Pratique Philosophique

Un lieu où les élèves se sentent en sécurité, pour s’exprimer, pour échanger leurs idées, pour penser, ou plutôt pour apprendre à penser ensemble. Un lieu où aucun sujet n’est tabou, où tout peut être questionné, remis en cause, où il est permis de parler aussi bien de liberté, des émotions, des problèmes quotidiens, que de l’utilité des apprentissages ou du vivre ensemble. Au lieu de raconter mon expérience dans cette école, j’ai préféré laisser la parole aux enseignant/e/s. Par la suite, des vidéos seront ajoutées à cette page, incluant des extraits d’atelier-philo, des commentaires des enseignants et des commentaires d’élèves, qui, pour certains d’entre eux, bénéficient de ces ateliers-philo depuis le CP.

Isabelle MILLON

Olivier MEYER, Directeur de l’école CROIX-ROUGE 2

Il y a huit ans une bibliothécaire de la municipalité au sein de laquelle se trouve l’école que je dirige est venue me demander si cela m’intéresserait qu’une praticienne philosophe vienne animer des ateliers de pratique philosophique auprès de mes élèves.
J’ai immédiatement accepté. Pourtant je ne connaissais rien ni à la philo, ni à la pratique philosophique. C’est comme cela que j’ai fait la connaissance d’Isabelle MILLON. Co-fondatrice, avec Oscar BRENIFIER de l’Institut de Pratiques Philosophiques (IPP).
Au départ, seuls les élèves de ma classe (à l’époque je n’étais pas entièrement déchargé d’enseignement) bénéficiaient de ces ateliers. Les premières séances, après que les élèves aient été installés en cercle, Isabelle assis parmi eux, moi je me suis installé en retrait, à une table, stylo et feuilles de papier à ma disposition pour prendre des notes.
C’est là que j’ai découvert la pratique philosophique telle que l’IPP l’a développée, selon la maïeutique socratique.

Isabelle démarrait souvent les ateliers par la lecture d’un texte. Après s’être assurée que les élèves avaient compris celui-ci les questions de compréhension pouvaient commencer. Mais avant cela il y avait le long travail sur les attitudes.

Faire de la pratique philosophique c’est apprendre à réfléchir à propos d’idées. Ces idées ce sont celles que les élèves apportent après la lecture d’un texte ou en écoutant une musique ou encore en contemplant une image. Mais pour réfléchir ensemble sur des idées encore faut-il être ENSEMBLE ce qui ne se réduit pas à être regroupés en cercle mais bel et bien à être en posture d’écoute. Cela nécessite d’être capable d’accorder de l’attention aux autres, à ce qu’ils disent, à leurs pensées auxquelles nous avons accès à travers ce qu’ils en disent. Cela suppose également d’être en capacité de mettre de côté ce que l’on pense soi-même. Il faut lutter contre son envie de réagir, d’exister au sein du groupe en réclamant la parole à tout va. Il y a donc des règles strictes : quand quelqu’un s’exprime on l’écoute jusqu’au bout de ce qu’il a à dire. Faute de quoi on ne peut pas prétendre « travailler » sur ce qu’il vient de dire. De ce fait, quand quelqu’un parle on ne lève pas la main. Sinon, avec notre main levée, nous restons centré sur notre pensée et indisponible pour écouter celle de l’Autre. J’avais lu un jour dans un ouvrage sur l’écoute (L’écoute, attitudes et techniques, Jean ARTAUD, édition Chronique sociale) que pour bien écouter il fallait considérer d’emblée que ce que votre interlocuteur vous disait était, au moins pour lui, la chose la plus importante en ce moment. Cela mérite bien quelque attention. Voilà donc une première attitude à développer chez ceux qui veulent faire de la pratique philosophique.
En face de celui qui écoute il y a celui qui s’exprime. Dans le cadre de la pratique philosophique, celui qui s’exprime ne fait pas qu’exprimer un avis, une opinion comme il le ferait dans le cadre d’une discussion entre pairs. (Nous tomberions alors dans le piège d’une sorte de discussion du « café du commerce » où chacun est amené à donner son opinion sans réellement se soucier de ce que les autres en pensent et sans non plus se soucier de la validité de cette opinion au regard des exigences en matière de sens, de logique, d’adéquation avec le sujet traité.) Il exprime son idée par rapport au sujet en question. S’agissant de son idée il est tenu non seulement de l’exprimer le plus clairement possible (ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement) mais de surcroît il est tenu de justifier son idée par des arguments en respectant les règles de la logique. Cette exigence caractéristique de la pratique philosophique oblige à un travail sur sa pensée. Est-elle claire ? Peut-elle s’exprimer simplement, de façon concise ? Faute de quoi il y a fort à parier que l’autre décrochera rapidement.
Les autres peuvent être d’accord. Mais là encore il ne suffira pas, dans le cadre de la pratique philosophique de juste dire que l’on est d’accord. Encore faudra-t-il être capable de préciser avec quoi on est d’accord et pourquoi. Si possible en apportant d’autres arguments, différents de ceux déjà donnés, afin de renforcer la « solidité » de l’idée exprimée. Mais bien évidement les autres peuvent tout aussi bien ne pas être d’accord. Là encore à condition d’être capable de préciser ce avec quoi ils ne sont pas d’accord avec la pensée de l’autre et pourquoi. À priori tout cela à l’air facile. Après tout ne nous est-il pas arrivé à de très nombreuses reprises d’avoir avec des collègues ou des amis ce genre d’échanges. C’est là qu’interviennent le rôle et l’expertise de l’animateur de l’atelier. En veillant au respect des exigences de la pratique philosophique, au besoin en renvoyant les pratiquants à la sanction du groupe, il installe une véritable pratique philosophique où chacun est tenu d’aller « creuser » au fond de sa pensée pour justifier, argumenter ce qu’il pense. Ce qui ne veut pas dire camper sur ses positions mais bel et bien être capable d’une souplesse intellectuelle afin de tenir compte, lorsque cela est justifié, de ce que les autres pensent et disent.

Séances après séances, les attitudes s’installent. Les compétences se développent.
L’émotion (la colère, la peur, la honte, etc.) ne sont pas exclues des ateliers mais lorsqu’elles apparaissent elles sont considérées comme la manifestation d’une puissance qui agit et qui mérite d’être questionnée.

S’agissant d’un exercice nouveau les hiérarchies qui s’étaient installées implicitement au sein de la classe sont entièrement remises en question. On voit fréquemment les « bons élèves », ceux qui ont l’habitude de demander la parole pour « donner la bonne réponse », celle « attendue par l’enseignant » devenir plus discrets. Ils ne peuvent plus s’appuyer sur la parfaite connaissance d’un cours appris par cœur à la maison. Ils comprennent vite que c’est leur réflexion personnelle qui est ici convoquée. Dans le même temps les élèves moins en réussite s’en aperçoivent également. Ils réalisent et éprouvent que désormais ils jouent à « armes égales » avec leurs camarades. Cela ne s’est jamais démenti en huit ans de pratique philosophique avec des classes du CP (six ans) au CM2 (dix ans). Je peux même témoigner que les plus beaux moments que nous avons vécus ont très souvent été le fait d’élèves qui ne « brillaient pas » en classe. Mais ici, en atelier philo, ils savaient que leur parole valait autant que celle des autres à condition de respecter les règles. Contrairement au monde de la classe où il y a souvent soit des bonnes, soit des mauvaises réponses, en atelier philo il n’y a que des réponses qui « tiennent la route » ou pas. Celles qui tiennent la route sont argumentées et le groupe n’arrive pas à les contredire avec d’autres arguments. Certes on peut ne pas être d’accord avec ces idées mais l’enjeu n’est pas ici de convaincre comme le feraient les sophistes mais bel et bien de philosopher afin de s’exercer à « bien penser », à « penser correctement », bref à développer son esprit critique.

Nous pouvons aborder tous les thèmes y compris les plus sensibles. C’est d’ailleurs souvent lors des ateliers portant sur des thématiques sensibles que l’émulation est la plus grande. Les élèves s’y voient autorisés à parler véritablement, sincèrement et de façon rationnelle de ce qui ailleurs est souvent tu. Je me souviendrai toujours de cet atelier où ayant vu les élèves s’installer avec d’un côté tous les garçons et de l’autre toutes les filles, alors même que nous avions prévu de travailler sur un thème, Isabelle a saisi l’occasion pour interroger les élèves sur cela. Lors de cet atelier beaucoup de thèmes ont été convoqués : les relations filles-garçons, l’homosexualité, la religion. Ce sont les élèves qui ont, par leurs expressions, introduit ces thèmes. Ça bouillonnait. Lorsqu’il a fallu s’arrêter, un de mes élèves est venu nous trouver Isabelle et moi et nous a dit : « On n’a jamais aussi bien parlé. Mais vous nous embêtez avec vos questions. Maintenant je ne sais plus quoi penser. ». Pour moi c’était vraiment merveilleux. Isabelle me répète souvent que ce n’est pas le doute qui rend fou, ce sont les certitudes. Lors de cet atelier les « certitudes » de ces élèves de dix ans avaient au moins été ébranlées par la rationalité des arguments exprimés. J’avais eu le sentiment d’assister à la naissance de la pensée critique chez mes élèves.

Je me suis souvent interrogé sur le terme de « maïeutique ». C’est un terme qui renvoi à l’accouchement. J’ai fini par trouver une analogie entre ce moment de la vie et la pratique philosophique.
Il suffit d’avoir assisté à l’accouchement d’une femme (ce qui est mon cas car j’ai assisté à la naissance de mes deux enfants) pour être marqué par trois aspects : l’effort, la souffrance et le bonheur. Inutile de développer en quoi l’accouchement nécessite un effort pour les femmes qui mettent au monde un enfant. En ce qui concerne la souffrance, même si dans notre société moderne celle-ci est atténuée par la médecine, elle reste tout de même bien présente. Quant au bonheur, au moment de la délivrance, c’est toute la salle de travail qui en est irradiée.
Ces trois aspects se retrouvent dans la pratique philosophique. Celle-ci ne peut se faire sans un effort intellectuel. Il faut se « creuser les méninges » pour, d’abord savoir ce que l’on pense ou que l’on croit penser, puis pour être capable de l’exprimer clairement en l’argumentant. La « souffrance » n’est pas absente de la pratique philosophique. Il peut en effet être déstabilisant, douloureux de s’apercevoir, grâce à l’intervention du groupe, grâce à la contradiction, grâce à la critique, que ce que l’on pensait ne « tient pas la route », n’est pas justifié. Qu’il s’agissait juste d’une opinion « non pensée ». Et que donc il faut aller chercher plus loin. C’est d’ailleurs en cela qu’à mon sens la pratique philosophique et la psychanalyse ont un point commun. Les philosophes nous invitent à mieux nous connaître nous-même. C’était le plus ancien des trois préceptes qui furent gravés à l’entrée du temple de Delphes. La cure psychanalytique aide l’analysé à être « moins dupe » de lui-même, donc à mieux se connaître. Et au bout du chemin arrive le bonheur. Celui non seulement d’avoir construit une pensée rationnelle qui « tient la route » mais aussi, souvent, d’avoir découvert une part de soi même que l’on ne voulait pas « voir ». Maintenant, on sait. Et alors ; la belle affaire ; En est-on plus malheureux ? Bien au contraire. Fini les contradictions apparentes qui n’étaient que la manifestation de cet aveuglement.

Depuis huit ans que je pratique j’ai vu des enseignants essayer puis renoncer. Arrivés à l’âge adulte, installés dans le confort de leurs certitudes, parfois durement acquises, il leur est trop douloureux de risquer de les ébranler. Les enfants sont moins confrontés à ce problème. Par définition, en raison de leur jeune âge, par manque d’expériences, ils ont moins de certitudes et sont plus facilement enclins à remettre en question celles qu’ils ont, à fortiori s’ils s’aperçoivent par eux même, que cela leur confère une plus grande lucidité.
La pratique philosophique permet de « mettre du sens ». En examinant, de façon critique, dans un cadre bienveillant, à plusieurs, ce que l’on pense ou croit penser, il est possible de « remodeler » sa pensée ou de la confirmer avec un surcroît de légitimité, de sens.
C’est un des aspects de la pratique philosophique qui est passé des ateliers philo à la classe. Les instructions officielles exhortent, avec raison, les enseignants à « mettre du sens sur les apprentissages ». Utiliser les « outils » de la pratique philosophique dans le cadre des enseignements quotidiens permet cette construction de sens. Les élèves ne doivent plus se contenter de « donner au maître » ce qu’il attend (la bonne réponse) encore faut-il qu’ils soient capable de prouver à l’ensemble du groupe classe que cette réponse répond plus correctement qu’aucune autre au problème ou à la question posée. Le maître peut alors se décentrer par rapport au savoir. Il n’est plus le seul à le détenir. Celui-ci peut être construit par les élèves eux-mêmes. Il se place dans la position du candide qui ne sait pas. Qui accepte toute réponse pourvu que non seulement elle permette de résoudre le problème mais qu’en plus il n’y en ait pas de meilleure et qu’il ne puisse pas lui être fait d’opposition. Quand, dans la classe, c’est cette pratique pédagogique qui est mise en œuvre le statut de l’erreur change. Celle-ci n’est plus le signe d’un manque de travail ou d’intelligence bref quelque chose de négatif mais l’occasion d’aller plus loin dans la réflexion. Elle devient comme le disait déjà J-P ASTOLFI « Un outil pour enseigner ».

Après avoir observé Isabelle pendant au moins deux ans j’ai eu envie de « mettre la main à la pâte ». Sous sa supervision et avec ses conseils j’ai commencé à animer mes premiers ateliers auprès de mes élèves. Les séances étaient filmées et pour une heure d’atelier il nous arrivait de passer toute une après-midi devant la vidéo à débriefer. Là aussi je me souviendrai toujours de cette fois où arrêtant la vidéo Isabelle me demande : « Tu te souviens de ce que t’a répondu cet élève ? » Et moi de lui répondre fièrement : « Oui bien sûr je m’en souviens très bien. Il m’a répondu XXXX ». Et Isabelle de relancer le film. Et moi de m’apercevoir que l’élève en question ne m’avait pas du tout répondu ce que je prétendais avoir entendu. Comme le dit la sagesse populaire je n’avais entendu que ce que j’avais eu envie d’entendre. J’étais encore avec ma « casquette » d’enseignant qui SAIT et je n’étais pas à l’écoute de ce que mes élèves me disaient. J’avais une idée de ce qu’il fallait qu’ils répondent et j’étais manifestement prêt à « inventer » pour atteindre mon but : leur faire dire ce que je voulais qu’ils disent.
Depuis j’ai progressé mais j’ai récemment eu à animer un atelier avec des adultes cette fois-ci. Face au stress qu’un tel « saut » procura en moi je suis retombé dans mes travers du début. J’ai passé plus de temps à essayer de convaincre ceux qui ne pensaient pas comme moi qu’à faire réfléchir mes collègues.
L’animation d’ateliers de pratique philosophique ne s’improvise pas. Cela nécessite des compétences qui sont difficiles à maîtriser et qui pour y parvenir nécessite du temps, de la formation et de l’expérience. Depuis huit ans je me forme au sein de l’IPP en participant à des séminaires, en suivant des formations visant à développer les compétences liées à cette pratique, en continuant sous la supervision d’Isabelle à animer des ateliers auprès de mes élèves et donc depuis peu auprès d’adultes.
J’y trouve un intérêt professionnel car je mets ces compétences, encore en développement, au service de mon métier de directeur d’école. Mais j’y trouve également un intérêt personnel car je mets aussi ces compétences au service de ma vie privée.

 

Pratique Philosophique

Mme Kathleen VIALLE, Enseignante CM1-CM2

L’atelier philosophique que propose Isabelle MILLON est bien différent de la discipline scolaire que nous connaissons au lycée. Je suis ravie de le faire découvrir à mes élèves depuis maintenant 2 ans.
Très apprécié des élèves, cet atelier leur permet de s’échapper du milieu de classe traditionnelle pour travailler d’une tout autre façon leur pensée critique, souvent difficile de faire travailler en classe. La manière dont nous abordons la philosophie lors de ces ateliers, leur fait prendre conscience de la nécessiter d’argumenter ses idées et d’écouter ses camarades, tout cela très utile dans toutes les disciplines qu’ils abordent tout au long de leur scolarité.

Ayant eu la chance de participer moi-même à des ateliers philosophiques, je me suis rendu compte à quel point ce n’était pas si facile de « penser » et je remercie d’avantage Isabelle de nous l’apprendre et de travailler avec nous. »

Mme Sahana GUNASEKARAM, enseignante des CE2 B

Cela fait 4 ans que j’enseigne à l’école CROIX ROUGE 2 et 3 ans que les élèves de ma classe pratiquent la philosophie à l’école. Les élèves sont très contents et satisfaits de faire de la philosophie à l’école. Ce sont des moments d’échanges, de réflexions et où ils apprennent à développer leur esprit critique.

Ces ateliers débutent souvent par une petite histoire (un conte, un mythe) ou une scène d’un film suivie des questions suivantes : « Qui a compris ? », « Qui n’a pas compris », « Parmi ceux qui ont compris, qui pourrait expliquer ce qu’il a compris ? » … Et la séance commence.
Ces séances permettent aux élèves de s’exprimer librement sans faire attention à l’enseignante de la classe qui les écoute. Ils ne sont plus là pour « obéir », « écouter » et « donner la bonne réponse ». Les élèves apprécient ces moments et en profitent pour s’exprimer. La réponse « je ne sais pas » est évidemment acceptée.

J’ai vu une différence chez les élèves qui pratiquent la philosophie en continue (commencer en CP et continuer jusqu’en CM2). Ils n’hésitent pas à dire ce qu’ils pensent et argumentent leurs idées automatiquement.
Cela se sent également en classe. Que ce soit en français ou en anglais, les élèves utilisent les méthodes de travail acquises en philosophie. Je sens une meilleure cohésion d’équipe. Les élèves prennent du plaisir à travailler en groupe et se sentent vraiment écoutés.

Pratique Philosophique

Mme Naïma MTIMET

Ça fait 3 ans que j’ai découvert la pratique de la philosophie pour enfants auprès d’Isabelle Millon qui anime les ateliers philosophiques dans notre école. Les élèves ont entre 6 et 7 ans, et les séances sont de 45 minutes tous les quinze jours.

Un atelier philosophique est un espace d’échanges pour les élèves. L’objectif de l’atelier et d’amener progressivement les enfants à penser par eux-mêmes et avec les autres.
L’atelier commence par une méditation de quelques minutes cela permet aux élèves d’être disponibles, calmes et attentifs.
La démarche peut varier d’une séance à l’autre. L’adulte peut lancer le débat à partir d’une question (Qu’est-ce qu’un enfant ? Qu’est-ce qu’un élève ? Que signifie être libre ?), à partir d’un album, d’une vidéo, ou bien à partir de leurs dessins autour d’un thème choisi.
Les premières séances sont difficiles car les élèves n’ont pas l’habitude de réfléchir mais au bout des quelques séances ils s’améliorent et d’une année à l’autre on voit les bénéfices de ces ateliers.

Pour nous les enseignants, l’accompagnement d’Isabelle nous apporte énormément, elle est très à l’écoute, elle nous aide dans nos questionnements et nous accompagne pas à pas pour mettre en place les ateliers philosophiques pour nos élèves.

Mme Saïda AOUDIA

Les ateliers philosophiques, animés par Isabelle Millon, ont permis à mes élèves de prendre conscience de leurs devoirs, mais également de leurs droits. Ils s’engagent plus facilement à l’oral en classe et n’hésitent plus à s’opposer lors de débats.
Pour ma part, ces ateliers m’ont permis de prendre conscience qu’il faut laisser le temps aux élèves de construire leur pensée et d’éviter de trop interférer ou de diriger leurs idées.
Je suis plus patiente et c’est bénéfique pour toute la classe.

Mme Francine SIMPI

Le choix de la pratique philosophique avec mes élèves de ce1 venant d’un secteur difficile, c’est en premier lieu pour leur permettre de penser et d’oser oraliser leurs réflexions sur différents sujets de la vie. Leur donner l’opportunité d’exprimer leurs idées et d’être écouté par les autres en dehors de l’espace classe. Deuxièmement, à travers ces ateliers philosophiques, les élèves vont pouvoir développer l’écoute de l’autre et s’exercer à argumenter leurs points de vue. De plus, la pratique philosophique va aider à l’éveil et à l’épanouissement des élèves dans l’organisation de leurs discours dans toutes circonstances de la vie.

Mme Hélène BAL

« Maitresse, votre bouteille est ouverte, le diable va entrer dedans. », je me suis retournée et j’allais dire à mon élève :
– « Qui t’as dit cela cette connerie ? », je me suis ressaisie aussitôt et j’ai dit : « Qui te l’a dit ? »
– « Ma mère ».

(Nous avons un long chemin à parcourir ensemble pour que la Connaissance éclaire les esprits.)

J’ai choisi d’inscrire ma classe à l’atelier philosophie car il est primordial d’outiller les élèves à l’éveil à au monde, à soi, à l’autre : découvrir le monde à travers leurs yeux, sans œillère, ni influence de l’entourage ou du milieu dans lequel ils vivent.

Pour moi, il s’agit d’un détachement du regard sur le monde, sur soi, sur la vie… Il s’agit pour l’élève, d’apprendre que nos connaissances, nos jugements sont aussi impactés par nos émotions, notre vécu, notre égo, nos sens…
Il s’agit de décortiquer une situation, une image, un texte, une scène à la lumière de la raison. Cela implique quelquefois de désapprendre pour réapprendre par soi-même.

Ainsi, il s’agit d’ne introspection à la lumière de la raison, de la connaissance et de l’ouverture d’esprit. J’encourage mes élèves à devenir des citoyens éclairés et libres. Il ne suffit pas d’apprendre et de rester sourd aux propos d’autrui. Il faut savoir aussi accepter ce que dit l’autre. Lorsque l’élève affirme une chose, il doit être en mesure d’argumenter, d’apporter des éléments pour appuyer ses propos.

 

Pratique Philosophique
Anna Touati, diplômée d’un Master 2 de philosophie (Panthéon-Sorbonne) et animatrice d’ateliers de philosophie pour enfants, a assisté à deux ateliers-philo, l’un avec une classe de CE2, et un autre avec une classe de CM1-CM2, le 12 mars 2020. 
 

RÉFLEXIONS SUR LES ATELIERS-PHILO 

MENÉS PAR OLIVIER ET ISABELLE

 
Lettre adressée à Isabelle
 
Avant d’assister aux ateliers, je me demandais si l’exigence de la méthode ne risquait pas d’inhiber la pensée de certains enfants qui manquent de confiance en eux. Finalement, j’ai constaté tout le contraire. Je pense à cette petite à ta droite qui n’osait pas dire qu’elle ne comprenait pas les propos de ses camarades et qui à la fin de l’atelier est parvenue à reformuler l’idée d’un autre. Je me demandais aussi s’ils seraient capables d’entendre les remarques sur leurs attitudes sans se vexer, et j’ai été étonnée par la maturité de leurs réactions, notamment par ce petit garçon qui avait été capable de dire « J’ai honte » en souriant, parce qu’il venait de prendre conscience de son attitude.
 
J’ai été frappée par le fait qu’il m’était impossible d’être une spectatrice passive. J’étais placée exactement dans la même situation que les enfants, convoquée avec eux à exercer ma réflexion à chaque instant. Comme eux, j’expérimentais le doute, je prenais conscience de mon ignorance, j’éprouvais la difficulté de penser. J’ai été étonnée et touchée par l’expérience de penser véritablement et entièrement les idées des enfants. J’oubliais que c’était des paroles d’enfants, je me concentrais à éprouver leurs idées, à les examiner pour les mettre à l’épreuve, exactement comme je l’avais fait lors des ateliers entre adultes que tu animais.
 
Au début de l’atelier animé par Olivier, un petit garçon déclarait « l’enfer c’est les autres parce qu’ils peuvent être énervants », une petite fille a objecté « l’enfer ça peut être aussi soi-même parce qu’on peut être un enfer pour les autres ». Sans même prendre le temps d’examiner son idée, je l’ai disqualifiée, avant de réaliser après un moment qu’elle faisait sens. J’ai alors pris conscience de mon préjugé selon lequel les enfants ne sont pas des êtres de raison, alors même que je  pensais en être prémunie avec ma formation et ma pratique.
 
J’ai eu un déclic quant à l’objectif de la pratique : insuffler aux enfants l’esprit critique et leur en donner le goût. Au cours de mes études de philosophie et des autres formations auxquelles j’ai assisté, je n’ai que très rarement entendu prononcer ce concept. J’ai été très marquée par ce que nous a raconté Olivier à propos d’un garçon éduqué dans un milieu très religieux, qui à l’issue d’un atelier avait déclaré : «Je ne sais plus quoi penser ». Je repense aussi à cette petite fille dont tu m’as parlé, qui tenait un discours meurtrier en arguant que c’était écrit dans le Coran, et à qui tu as demandé de ramener son livre, pour que finalement vous constatiez ensemble que ce n’était écrit nulle part. J’ai compris que face à ce genre de propos, il faut renoncer à orienter implicitement la discussion dans l’espoir illusoire que l’enfant finisse par adhérer à notre propre discours, et que le plus efficace reste toujours le questionnement.
 
La spécificité des ateliers d’Isabelle a particulièrement retenu mon attention sur les points suivants :
.    Bien qu’on répète souvent aux enfants l’importance d’écouter l’autre pour philosopher, la tendance naturelle (y compris des adultes!) est de prendre la parole pour exprimer d’abord et avant tout leur idée. Dans les ateliers d’Isabelle, l’écoute de l’autre n’est pas facultative, elle conditionne toute prise de parole et garantit ainsi un véritable dialogue entre les enfants. A l’opposé du bouillonnement d’idées, où les enfants s’expriment librement chacun leur tour sur un sujet, le groupe s’arrête sur chaque idée énoncée pour l’analyser.  L’adulte vérifie en permanence que tout le monde a compris l’idée d’un enfant, puis il invite le groupe à mettre à l’épreuve cette idée. L’idée de l’un devient ainsi l’objet de pensée de tout le groupe. L’enfant fait donc l’effort d’expérimenter la pensée de l’autre. Et lorsqu’il s’exprime, il doit nécessairement faire un lien avec les propos de ses camarades, que ce soit pour les valider, les enrichir, les éclaircir, les questionner ou les critiquer.
 
.    Les questions de l’adulte exigent toujours des enfants qu’ils assument eux-mêmes les compétences de pensée : « Qui voit un problème ? » (Problématiser), « Qui peut reformuler ce que X a dit ? » (Reformuler), «  Qui a une objection ? » (Objecter), « Quel est ton argument ? » (Argumenter), « Peux-tu résumer ta pensée en un concept ? » (Conceptualiser), plutôt que : « On voit que tel problème se pose, qu’en pensez-vous ? », « Donc tu essaies de dire que…., c’est bien cela ? », « Mais est-ce qu’on ne peut pas objecter ceci à ton idée ? » etc.
 
.    Toutes les attitudes et les manifestations émotives des enfants (opposition, bouderie, empressement, mutisme, crainte, rire) font partie intégrante de la réflexion. Plutôt que de passer dessus, ou de se contenter d’un rappel à l’ordre, l’adulte prend le temps de questionner l’enfant sur son attitude pour qu’il en cherche la signification. Il lui propose éventuellement de faire le lien avec sa façon d’être dans la vie en général. Cela permet à l’enfant de prendre conscience de lui-même et de l’image qu’il renvoie aux autres. Cela lui fait également découvrir la possibilité pour lui d’exister en dehors des images auxquelles il s’identifie (le pitre, le bon élève, celui qui ne comprend jamais etc.) Enfin, la réflexion sur les attitudes montre à l’enfant que philosopher n’est pas un exercice désincarné et scolaire, mais qu’il implique notre façon d’être au monde et avec les autres dans la vie en général.
 
La force de la méthode d’Isabelle, c’est que les exigences de la pensée philosophique (exercice de la raison, écoute de l’autre et dialogue, esprit critique) n’ont pas seulement une réalité théorique, mais elles sont nécessairement expérimentées par les enfants à chaque atelier, et sont des conditions sine qua none de la pratique.